lundi 5 décembre 2011

Une soirée par procuration

  Vous vous souvenez peut-être de nos anciens voisins que les jeux de nos enfants empêchaient de dormir après huit heures du matin ? Eh bien ils ont pris la meilleure décision qui soit, ils sont partis chercher sous d'autres cieux, ou sous d'autres plafonds, un environnement sonore plus à leur convenance. Et depuis peu, de nouveaux occupants ont pris possession de l'appartement situé juste sous le nôtre, ce dont nous nous sommes rendu compte à la vue du camion de déménagement ainsi que du paillasson à l'effigie d'une grosse vache nommée Marguerite qui a pris place devant leur porte.
  Samedi soir nous avons été invités à leur pendaison de crémaillère. En fait non, nous n'étions pas conviés. Mais de dix neuf heures à deux heures du matin, à condition de fermer les yeux, je vous assure que nous pouvions nous croire en plein milieu de la fête.
  Remarquez, nous étions prévenus. Il y a quelques jours, nos voisins ont glissé dans toutes les boîtes aux lettres de l'immeuble un message imprimé expliquant qu'il risquerait d'y avoir un peu de bruit samedi, mais que nous ne devions pas hésiter à le leur signaler si cela était très gênant, et que nous étions « la bienvenue pour prendre l'apéro ». Sic.
  A dix-neuf heures, la musique a commencé à se faire entendre. Pas mal choisie, d'ailleurs, pas trop fort. Suffisamment tout de même pour que nous reconnaissions les morceaux et distinguions les paroles. Les mots bleus, Je suis tombé en esclavage : un peu rétro, mais pas déplaisant. Une heure plus tard, le son a monté d'un cran. Et surtout, j'imagine que les invités avaient déjà dû faire honneur à l'apéritif servi par nos voisins, parce qu'ils se sont tous mis à chanter d'une seule voix.
« Terre brûlée au vent des landes de pierre, autour des lacs, c'est pour les vivants un peu d'enfer, le Connemara... »
  Ça rappelle des souvenirs, tout ça. Je me surprends à fredonner avec eux.
« La Pitchouli, la pitchouli, le rendez-vous de tous les basques du pays ! »
  On a quitté l'Irlande, tiens, mais là encore ça évoque des souvenirs. Les voix sont très fortes, et de temps en temps on entend de gros bruits sourds qui viennent donner le rythme : des chaises frappant sur le plancher ? Il y a de l'ambiance, certainement plus qu'à notre soirée de la veille, ça me donnerait presque envie de descendre prendre un verre, seule, puisque Monsieur n'est pas invité.
  Mais il est l'heure de coucher les enfants. Je me rends compte que le bruit est deux fois plus fort dans leur chambre, les précédents voisins m'avaient bien dit que leur salle de séjour donnait juste en dessous. En effet. La pitchouli n'est peut-être pas la meilleure des berceuses... je borde les enfants avec un peu d'appréhension. « Oui, les voisins font un peu de bruit, mais ça ne va pas durer, bonne nuit » – il faut savoir travestir quelque peu la vérité.
  J'avais bien tort de m'inquiéter, ils se mettent tous à ronfler en cinq minutes sur fond de « Il est vraiment, il est vraiment, il est vraiment phénoménal na na na nal ! ». Monsieur est bien d'accord avec moi, nous avons eu raison de les habituer à dormir la porte ouverte, sans prendre de précaution particulière pour ne pas faire de bruit.
   Nous passons la soirée tranquillement. Les échos sont de plus en plus forts, les éclats de rire nombreux, mais tant que nous regardons Koh Lanta nous ne sommes pas trop gênés.
  A minuit, l'idée nous vient de nous coucher mais ne semble pas partagée par les fêtards du dessous. Monsieur décide de descendre leur demander de faire moins de bruit. Sur le palier le sol est collant, couvert de confettis ; par la porte des vapeurs d'alcool s'exhalent, il doit y avoir une vingtaine d'invités, rien d'étonnant à ce qu'ils parlent si fort.
  Grâce à cette intervention, le volume sonore de la musique diminue quelque peu. Le bruit des voix, lui, ne faiblit pas. Nous nous prenons tout de même à espérer passer une nuit à peu près normale. Mais cinq minutes plus tard, la musique est à nouveau aussi forte qu'avant – les hôtes ont peut-être du mal à garder le contrôle de la soirée. Impossible de dormir dans ces conditions... nous en sommes quittes pour déplier le canapé lit, dans le salon le vacarme est un peu moins gênant. Pousser les fauteuils, déplier le matelas, faire le lit, à cette heure avancée nous nous en serions passés. J'envie les enfants qui dorment à poings fermés.
« Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire ! »
  En plus ils ont trouvé un anniversaire à fêter. Je me retourne sur mon oreiller, des échos plein les oreilles. Souhaitons que cela ne dure pas jusqu'à quatre heures...
« IL EST DES NOOOOOOTRES, IL A BU SON VERRE COMME LES AU-OOOOOOOOOOOTRES ! C'EST UN IVROOOOOOOOOOOGNE, CA SE VOIT RIEN QU'A SA TROOOOOOOOGNE ! »
  Il fallait bien qu'ils la chantent celle-là. Heureusement, pour l'instant on échappe aux chansons paillardes. Le sommeil ne vient toujours pas. Monsieur, lui, a l'air moins gêné, si j'en juge par les ronflements.
  Comme s'il n'y avait pas déjà assez de bruit...

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