mardi 30 août 2011

TV magazine contre les idées reçues

  Les vacances, c'est bien connu, constituent le moment idéal pour se cultiver. On a tout le temps qui nous manque pendant l'année pour orner son esprit de connaissances nouvelles au gré de lectures, de visites, de découvertes.
  C'est ce à quoi je me consacre consciencieusement tout l'été en prenant le temps d'éplucher de A à Z mon magazine de télévision préféré. L'éditorial qui dénonce non sans audace les méfaits de la téléréalité ou de la chirurgie esthétique, la passionnante page « animaux » qui vous décrit les mœurs de l'éléphant d'Asie, le dossier spécial été bourré de mots croisés et de sudokus, sans oublier l'horoscope propre à vous faire réfléchir sur l'orientation de votre vie, tout est fait pour élever votre niveau intellectuel. Quand revient le mois de septembre, je puis vous assurer que je ne me sens plus tout à fait la même, tant les horizons ouverts devant moi par mon magazine préféré ont totalement changé ma façon de penser, sans compter que je connais désormais le parfum préféré de Marie Drucker et la couleur de la serviette de plage de Tony Parker.
  Surtout, les rédacteurs de cette brillante littérature osent bouleverser les idées reçues, s'attaquer aux préjugés, remettre en question les évidences, quitte à choquer parfois, peut-être, leurs lecteurs. Et pas seulement en attribuant trois étoiles à un film calamiteux ou au contraire une seule à un chef d'œuvre universel, histoire de montrer qu'ils ont un point de vue indépendant et bien personnel sur les œuvres diffusées.
  Un seul exemple, une perle qui vous démontrera si nécessaire la justesse de mes propos. Il s'agit du résumé de l'émission « Baby boom », projetée aujourd'hui-même sur TF1, un reportage tourné au sein d'une maternité. Je cite :
« On a coutume de dire que la maternité est une affaire de femmes. »
  Pour tout cela, et bien plus encore, je présente mon éternelle reconnaissance à TV magazine.

lundi 29 août 2011

De retour de vacances

  Voilà, les vacances sont finies ! Après deux semaines de congés et quelques centaines de kilomètres, nous sommes de retour et déjà nous apercevons le portail d'entrée de la résidence. Il s'ouvre. Ouf, on a réussi à ne pas perdre les clés pendant les vacances ! Je vide la boîte à gants et je découvre les deux cartes postales de vacances oubliées il y a six jours. Tant pis, on les postera d'ici, les destinataires comprendront – Monsieur, lui, ne comprend pas très bien ce qu'elle font encore là. Je reconnais mes torts, il est temps de sortir de voiture.
  Un coup d'œil au garde-corps du balcon qui heureusement est intact. La dernière fois nous l'avions découvert tout explosé par un camion de déménagement qui s'y était encastré en notre absence. Je vide la boîte aux lettres. Quelle joie de découvrir un volumineux paquet de lettres et de cartes d'amis ! Nous tombons sur nos voisins du dessous : ils ne le savaient pas ce matin, mais ils ont passé leur dernière vraie grasse matinée ; pour eux aussi les vacances sont finies.
  La porte de l'appartement s'ouvre : malgré l'odeur de renfermé, on savoure le moment où l'on se retrouve chez soi, dans un chez soi très bien rangé, qui plus est, et on se félicite d'avoir reçu ses beaux-parents la veille du départ. Finalement c'était une bonne idée, sans ça on n'aurait jamais passé l'aspirateur avant de partir.
  Pendant que Monsieur décharge la tonne de bagages, je compte les morts : zéro perte cette année, les plantes vertes ont toutes survécu, le vendeur de jardiland nous avait bien conseillés. Même notre sauterelle domestique qui squatte la salle de bain depuis début juillet est toujours fidèle au poste.
  Les bagages s'entassent dans l'entrée. Visiblement les amis ont tous préféré écrire, il n'y a aucun message sur le répondeur. Par malheur la pile de linge est aussi élevée qu'au moment du départ, et le frigidaire, lui, désespérément vide, à part deux bières bien fraîches que j'avais eu la géniale idée d'y glisser il y a quinze jours. Voilà de quoi faire oublier à Monsieur l'épisode des cartes postales dans la boîte à gants.
  J'attaque la pile de courrier : en fait, une fois jetées les publicités, il reste trois factures et une seule carte postale, et évidemment, c'est la seule personne à qui nous n'avons pas écrit cette année – heureusement nous avons rapporté une carte inutilisée, on antidatera pour faire croire qu'on avait oublié le carnet d'adresses. Et puis un sympathique courrier du Trésor Public qui, cette année, nous doit de l'argent : je vous l'avais dit que cela valait le coup d'avoir un troisième enfant.
  Enfermé dans sa sacoche l'ordinateur ne rêve que d'une chose : se connecter au wifi. Quinze jours de vacances c'est trop court, mais quinze jours de vacances sans internet c'est tout de même un tout petit peu long pour un ordinateur, et un peu pour moi aussi, je le reconnais. Je me force à défaire trois valises avant de le brancher.
  Deux valises suffiront. L'ordinateur s'allume : 117 mails, voilà pourquoi il y a si peu de courrier. Sauf qu'une fois supprimées les alertes de ventes privées et autres sites commerçants, il en reste quand-même nettement moins. Je consulte google actualités : on a été plus assidus devant notre verre à apéritif que devant le journal télévisé, ces derniers jours. Une taxe sur les sodas et les alcools forts ? Tant pis, l'année prochaine on se privera de légumes, on ne peut tout de même pas raisonnablement sacrifier nos rhum-coca estivaux.
  En passant devant une glace je constate que j'ai vraiment pris quelques couleurs : qui a parlé d'été pluvieux ? Les marronniers, par la fenêtre, ont pris déjà une teinte un peu automnale. La liste des tâches à accomplir avant la rentrée s'allonge mentalement : trier les photos, publier sur le blog, passer chez le cordonnier, faire des crêpes, organiser un week-end avec des amis au mois de septembre, mettre cette liste par écrit pour ne rien oublier, faire les courses, faire une liste de courses – la semaine s'annonce bien remplie.
  Au fait, que font les enfants dans leur chambre ? Ils sont ravis d'avoir retrouvé leurs duplos et construisent des rails géants pour leur train. J'enjambe le chantier et je finis de déballer les bagages. Un peu de sable s'échappe du sac des affaires de plage, comme un ultime souvenir qui s'égraine sur le parquet.
  Le panier de linge déborde, l'odeur de renfermé s'estompe, les rails géants et les rayons du soleil pénètrent jusque dans le salon, la bière pétille dans les verres, le canapé est toujours confortable.
  Finalement, on est quand-même bien chez soi.

samedi 27 août 2011

Pluviométrie

  Nous avons passé des vacances d'ermites. Nous n'avons pas adressé la parole à quiconque pendant toute cette quinzaine, à l'exception de quelques commerçants, de ce vieux clown à l'air si triste sous son maquillage grimaçant, et qui distribuait des prospectus pour son cirque, de la pompiste qui nous a annoncé du beau temps pour le week-end. Nous en étions réduits à converser avec les ânes et à écouter le chant du coq.
  Nous n'avons eu, en tout et pour tout, qu'une seule et unique conversation, avec une vacancière qui se trouvait être notre voisine, occupant le gîte situé juste derrière le nôtre. Depuis deux jours, elle nous saluait d'un grand geste de la main lorsque son mari et elle passaient derrière le mur du fond de notre jardin alors que nous dînions à l'intérieur derrière la baie vitrée donnant sur le chemin qu'ils empruntaient pour sortir de chez eux.
  Un soir, nous étions dans le jardin, les enfants jouaient malgré la grisaille : après une semaine très ensoleillée le temps était couvert depuis trois jours, mais par chance la pluie, quand elle tombait, ne tombait que la nuit. L'après-midi même, nous avions fait une belle promenade par un temps doux, au bord de l'eau, sans imperméable, sans parapluie, sous un ciel nuageux sans être très bas.
  C'est alors que notre voisine, rentrant chez elle, s'adresse à nous par dessus le mur en vieilles pierres. Malgré son accent, elle parle un très bon français, et nous explique qu'elle est hollandaise, professeur de français retraitée, heureuse de pratiquer un peu cette langue au cours de ses vacances. Nous échangeons quelques mots avant d'aborder le sujet fatidique : la météo, et le ciel gris.
« Heureusement, il ne pleut pas ! » nous félicitons-nous, tandis qu'à l'instant même où nous prononçons ces mots, nous entendons notre voisine s'exclamer avec regrets : « Il pleut tout le temps ! ».
  Par chance, le grand soleil qui reparut le lendemain matin mit pleinement d'accord optimistes et pessimistes pluviométriques.

jeudi 11 août 2011

Question de genre

   Il est courant de considérer que les grosses maternités publiques des grandes villes sont des lieux froids, inhumains, des usines où naissent les nourrissons à la chaîne, sous la lumière grisâtre des néons, dans l'agitation et la frénésie. Mes enfants sont nés dans ce type d'établissement, et je n'ai jamais eu à m'en plaindre, y trouvant à chaque fois un personnel médical agréable, attentif et disponible.
  A la réflexion toutefois, il me revient un souvenir, une anecdote qui a l'âge de mon premier enfant. Dans le hall attenant aux dix salles de naissance de la maternité, où une dizaine de nouveaux-nés avaient vu le jour dans les dernières vingt-quatre heures, Monsieur attendait que la destinée fasse de lui un père, se demandant encore, puisque nous ne le savions pas, si son premier enfant serait une fille ou un garçon. Pendant qu'il déambulait ainsi, il assistait au ballet des sage-femmes, médecins, puéricultrices et autres personnel médical intervenant tour à tour dans chacune des salles, salués régulièrement par les premiers cris des nourrissons qui voyaient le jour l'un après l'autre.
   « Félicitations, Monsieur, c'est une fille ! » C'est une sage-femme, sortie de l'une des salles, et qu'il n'avait pas remarquée jusqu'à présent, qui s'adressse à lui.
   Vous constaterez au passage que, comme je vous le disais, même dans une grosse maternité, les sage-femmes prennent le temps d'adresser quelques mots chaleureux aux jeunes parents.
   Monsieur reprend ses esprits, trouve la salle où sa petite fille vient de pousser son premier cri, et entre.
   C'était un garçon.

Education dure VS éducation molle : 1 - 0

  Hier soir, nous avions la joie d'accueillir mes beaux-parents. Après avoir gâté leurs petits-enfants, après une longue promenade quasiment sans pluie, après un bon apéritif partagé en famille (comprendre : à boire pour les adultes, à grignoter pour les enfants), ces derniers sont allés se coucher, et se sont endormis en un instant, épuisés par les émotions de la journée.

  Nous finissions de siroter notre verre, quand soudain une occasion instructive s'est présentée d'éprouver de manière comparative deux méthodes d'éducation opposées. Le petit dernier, bientôt un an et demi, s'est mis à pleurer dans son lit.

  D'habitude, en l'absence d'invités, Monsieur et moi avons une technique éprouvée face à ce genre de désagrément, que l'on soit en train de dîner, de regarder un bon film, ou de dormir d'un sommeil réparateur. D'ailleurs nous l'avions justement appliquée avec succès la veille au soir. Je vais vous exposer brièvement la procédure.

Première étape : laissez pleurer le bébé. Attendez deux minutes, en général cela suffit à l'enfant pour se rendormir, et pendant ce temps vous n'avez pas eu à vous lever ni à mettre le DVD sur pause.

Deuxième étape : les pleurs continuent de plus belle. Ne vous levez surtout pas, contentez-vous de tourner la tête en direction de la chambre en réclamant le silence d'un ton à la fois ferme et rassurant : « Dodo maintenant ! ». Notez qu'une voix paternelle est en général plus efficace.

Troisième étape : l'injonction précédente, exceptionnellement, n'obtient aucun effet. Hélas vous allez en être quitte pour vous lever. Bien-sûr, je le précise pour que la DDASS n'ouvre pas une enquête, vous allez vérifier si bébé n'a pas faim, froid, mal, chaud, soif, s'il n'est pas malade – reportez-vous à vos bouquins de puériculture pour plus de détails. Si vous craignez qu'il ait fait un cauchemar, vous le consolez dans vos bras jusqu'à ce que les pleurs cessent (on a du cœur tout de même). Mais s'il s'agit d'un caprice, ce que vous pouvez en général deviner aux mélodieux sons suraigus qui sortent de la bouche de votre petit ange, vous le sommez de se taire une bonne fois pour toute, vous fermez le maximum de portes entre lui et vous, et vous pouvez poursuivre votre soirée tranquille. Chez nous, nous avons même une solution miracle, aussi simple qu'efficace : en cas de caprice, nous déménageons le bébé, son lapin fétiche et sa veilleuse dans la chambre d'à côté. Une fois la porte fermée, tous les espoirs du braillard d'amadouer ses parents s'envolent, et les pleurs cessent immédiatement.

  Mais hier soir, alors que nous en étions arrivés à la deuxième étape, et que nous nous apprêtions à appliquer la troisième, Belle-Maman, le cœur tendre, et l'esprit rempli des principes d'éducation molle lus la veille chez notre belle-sœur, se lève, malgré nos protestations, pour jeter un coup d'œil à son bruyant petit-fils, nous promettant de ne pas se montrer.

  Cinq minutes de pleurs plus tard, Monsieur décide d'aller voir ce qui se passe et découvre avec stupeur sa maman en train de tenter – en vain, est-il besoin de le dire – de calmer Bébé en lui massant le ventre. Bébé a l'air de ne pas apprécier du tout, évidemment, puisque tout ce qu'il souhaite c'est sortir de son lit, mais il n'a sans-doute pas lu de manuel d'éducation molle.

  Monsieur reprend alors les choses en main, expulse de la chambre la grand-mère indésirable et se dépêche d'appliquer la troisième étape de la procédure habituelle d'éducation dure. Instantanément le silence revient, Bébé se rendort en paix, rassuré par la démonstration d'autorité paternelle.

  Au tapis, la méthode molle.

Les extraordinaires vacances d'Albane

  L'agitation de la ville, une terrasse sur la plus belle place, un ciel radieux comme on n'en a pas vu depuis des semaines, une douce chaleur, la meilleure bière du monde dans un grand verre, beaucoup de souvenirs, les passants, les promeneurs, les conversations banales des touristes, le bruissement de la fontaine.

  Il n'y a pas de doute, les vacances sont arrivées.

  Et le départ en vacances est tout proche, chers lecteurs. Un bord de mer, une plage, une ou deux terrasses, du rosé bien frais, des châteaux de sable, un barbecue - qui sait -, des chaises longues, des jeux d'enfants, quelques fruits de mer. Des vacances extraordinairement banales ! Pendant lesquelles ce blog, lui aussi, sera au repos.

  Mais pas d'inquiétude, je reviens dans deux semaines avec un tas d'extraordinaires banalités à vous raconter.

  A très bientôt !

lundi 8 août 2011

Quinze ans plus tard

  Lorsque j'étais en quatrième, j'avais une grande admiration pour une jeune professeur d'anglais, de ce genre d'admiration que l'on conçoit, adolescent, pour certains adultes de son entourage. Mademoiselle Duplanchois, Pauline de son prénom, était une toute jeune enseignante, il s'agissait de sa toute première année d'enseignement, peut-être était-elle d'ailleurs encore stagiaire. Elle avait donc vingt-cinq ans au maximum, l'enthousiasme de la jeunesse, l'amour du métier dans lequel elle débutait, la volonté de faire progresser ses élèves, un intérêt sincère pour eux et pour leurs difficultés. D'un physique agréable sans être ravissante, elle avait toute l'assurance et toute l'aisance qui manquaient à mes treize ans, jointes à toute la vitalité et tout l'enthousiasme qui faisaient défaut à la plupart de ses collègues enseignants, et, il faut le dire, à la plupart des adultes.
  L'année suivante, Mademoiselle Duplanchois a été affectée dans un autre établissement, et je ne l'ai jamais revue, quoique je ne l'aie jamais oubliée. Il y a trois mois, un soir où, exceptionnellement, je passais la soirée seule à la maison, l'idée m'est venue de rechercher sa trace sur le web. Je me souvenais parfaitement de son nom, de son prénom, et j'ai immédiatement trouvé son profil sur « copains d'avant ».
  De toute la soirée je n'ai pu détacher mes yeux de la photo que j'y ai trouvée, ni mes pensées de la présentation qu'elle a rédigée. La jeune fille de vingt-cinq ans qui, dans mes souvenirs seulement, n'avait pas changé, est devenue, et j'aurais dû le prévoir, une femme mûre approchant de la quarantaine. J'ai reconnu son sourire, sur cette photo où elle se présente entourée de ses trois jeunes enfants, mais la juvénilité dont je me souvenais a disparu de ses traits plus marqués et moins souples qu'auparavant.
  J'ai appris, avec le même saisissement, dans le court paragraphe de présentation qu'elle a rédigé elle-même, le prénom de ses enfants, son lieu d'habitation, dans les environs du collège où j'étais élève et où elle avait dispensé parmi ses premiers cours, sa volonté de se reconvertir dans une autre profession, ainsi que son récent divorce : « à nouveau célibataire depuis peu » précise le texte. Suivait un chaleureux encouragement, destiné à ses amis perdus de vue, ainsi qu'à ses anciens élèves, à reprendre contact avec elle, ce qu'elle disait apprécier vivement.
  C'est ce que j'ai fait. Le soir même, j'ai rédigé un long mail, dans lequel je lui faisais part de l'admiration que j'avais pour le jeune professeur plein d'entrain qu'elle était, des souvenirs des cours qu'elle nous avait dispensés, des lectures qu'elles nous avait conseillées. Je lui donnais, sans savoir si elle se souvenait de moi, de rapides nouvelles de ce que je suis devenue depuis cette année de quatrième, exprimant ma satisfaction d'avoir trouvé sa trace et de pouvoir lui faire savoir quel souvenir vivace j'avais gardé d'elle.
  Cela fait trois mois que j'ai envoyé ce message. Contrairement à ce que je prévoyais, je n'ai jamais reçu de réponse. Mais à la réflexion, je me demande s'il lui a fait vraiment plaisir. Je me demande si ce courrier ne l'a pas ramenée un peu cruellement à l'époque où, toute jeune, elle amorçait sa vie avec l'optimisme et l'assurance de la jeunesse, à la période où elle débutait tout juste dans un métier qu'elle aimait, où toutes les possibilités s'offraient à elle, où toutes les promesses de la destinée restaient à cueillir – elle qui, quinze ans plus tard, a perdu son goût pour une profession, il faut le reconnaître, souvent ingrate, qui a vu son foyer éclater, qui ressent sans doute la crainte que ses meilleures années ne soient derrière elle et le poids de ses presque quarante années.
  Je me demande aussi si les nouvelles que je lui donne de ma propre personne, moi qui n'ai finalement que trois ans de plus qu'elle n'en avait alors, de ma situation personnelle, du fait que j'ai le même nombre d'enfant qu'elle, je me demande si ces nouvelles n'ont pas accentué la mélancolie, voire l'amertume, des pensées que mon message, bien malgré moi, a pu faire naître.
  Je n'aurai jamais de nouvelles de Pauline Duplanchois, mais je garderai toujours d'elle cet excellent souvenir sur lequel les années n'auront jamais prise.

samedi 6 août 2011

Beaucoup de bruit pour rien

  En quittant il y a un an notre ancienne résidence datant des années soixante pour un nouvel appartement au sein d'un immeuble récent, nous avons changé d'environnement sonore. Nous avons quitté un appartement mal isolé, laissant parvenir jusqu'à nous le vacarme des cavalcades des petits-enfants de la voisine du septième – nous étions pourtant au quatrième, les disputes tonitruantes de la voisine du dessous et de sa fille, les échos de la télévision de la grand-mère d'à côté, les basses de la musique du voisin du troisième, et autres atmosphères sonores diverses, jusqu'au bruit de pas des voisins du dessus se levant la nuit pour se rendre... vous savez où.
  Dans cet immeuble, chaque nouvel arrivant était observé d'un œil suspicieux par toutes les personnes âgées de la cage d'escalier – c'est à dire la grande majorité des occupants, craignant à juste titre de voir se détériorer leurs conditions de vie avec l'installation de voisins bruyants. Sans nous en rendre compte, étant donné surtout que nous étions jeunes, et susceptibles par conséquent d'organiser trois fois par semaines de bruyantes soirées avec un minimum de quinze invités, nous avons été étudiés avec crainte et circonspection par une dizaine de vieilles dames aux aguets derrière leurs rideaux et s'échangeant leurs observations entre l'ascenseur et le local poubelle.
   Mais nous avons passé avec succès, et même brillamment, cet examen d'entrée dans la cage d'escalier. Avec les félicitations du jury ! Nous nous en sommes rendu compte lorsque nous rencontrions les voisines retraitées qui, l'une après l'autre, nous félicitaient avec un soulagement marqué et un tremblement d'émotion dans la voix : « On ne vous entend pas ! » s'exclamaient-elles toutes d'une seule voix. « Vous pouvez rester autant que vous voulez» continuaient-elles. Même, ensuite, avec deux enfants en bas âge, nous étions toujours complimentés pour notre bonne conduite acoustique, alors que les petits-enfants de la voisine du septième gâchaient la vie des habitants sur au moins trois étages, ce qui nourrissait l'essentiel des conversations de l'immeuble depuis plusieurs mois. Une lettre collective a même été rédigée par le professeur de biologie du cinquième, sur l'impulsion de la voisine du sixième, excédée, cardiaque, et ne parvenant plus à dormir. Il faut dire que nous, nous n'avons jamais autorisé nos enfants à jouer sur le palier avec une balle de ping-pong après 22 heures...
  Et quand nous avons annoncé notre départ, l'année dernière, aux voisins avec qui nous avions lié connaissance, la réaction a été unanime : «Mais qui allons-nous avoir à votre place ? ». Ils n'avaient pas tort, puisque j'ai appris par la suite qu'une jeune femme s'est installée dans notre ancien appartement, et que le tapage que faisait son fils a contraint nos anciens voisins du dessous, arrivés depuis un an, à quitter les lieux.
  Depuis notre déménagement dans une résidence quasi neuve, parfaitement isolée, nous n'entendons plus jamais rien. Je me surprends même parfois à me demander si nous ne sommes pas les seuls habitants de l'immeuble, étant donné le silence qui règne. A peine entend-on parfois un lave-linge tourner, et encore, je suppose qu'il est alors en mode essorage à la vitesse maximale. Jamais un bruit de pas, jamais un bruit de porte, et très, très rarement, un peu de musique le samedi soir, lors d'une soirée dont les organisateurs préviennent parfois, d'ailleurs, les voisins, en affichant un petit mot courtois dans l'entrée. Un havre de paix. Un îlot de silence. Un calme parfait.
  Pourtant, ce samedi matin, la sonnette a retenti. Notre nouveau voisin du dessous, 26 ans environ, s'est présenté. Il m'a expliqué que nos enfants sont bruyants. Que sa femme est infirmière, qu'elle travaille de nuit, qu'elle a besoin de dormir. Et qu'à partir de huit heures du matin, les bruits des pas et des jeux des enfants l'empêchent de se reposer.
   Bien-sûr, je n'ai pas eu la présence d'esprit de le rembarrer en lui disant que rien n'interdit à des enfants de jouer sagement à partir de huit heures du matin même si quelques discrets échos de leurs jeux arrivent à traverser le plancher – leur propre père, lui, n'a aucun mal à dormir tard le dimanche matin alors que le reste de la maisonnée est bien réveillé.
  Visiblement notre infirmière de voisine, qui n'a d'ailleurs pas pris la peine de se déplacer elle-même, est une maniaque qui ne peut pas dormir autrement que dans un silence total, et qui, par malheur, travaille de nuit et dort le jour. Il y a peut-être comme une légère erreur dans le choix d'un logement en immeuble collectif. Et c'est bien ce que j'ai l'intention de leur dire si nos voisins viennent se plaindre à nouveau.

mercredi 3 août 2011

Rupture de stock

  Une très bonne amie et blogueuse a parfaitement décrit les difficultés qui se posent à beaucoup de parents lorsqu'ils doivent choisir parmi leurs proches un parrain et une marraine pour le baptême de leur enfant. Les critères à remplir sont nombreux et le choix tourne vite au casse-tête surtout si l'on a déjà plusieurs enfants et par conséquent de moins en moins de candidats.
 Pourtant, je viens de découvrir qu'une solution radicale existe. Un solution miracle, oserais-je dire !
 J'ai passé un après midi avec une nouvelle connaissance, Valérie, qui m'a appris à mon grand étonnement qu'Antoine, son mari, sera baptisé lors de la prochaine fête de Pâques. Cela m'a beaucoup surprise sachant que Valérie et lui sont pratiquants réguliers, et que leurs deux enfants sont baptisés – j'étais donc persuadée qu'Antoine avait aussi reçu ce sacrement. Peut-être n'avait-il jamais mis les pieds dans une église avant son mariage ?
 « Non, m'a expliqué Valérie, sa famille est croyante, d'ailleurs ses sœurs sont baptisées, elles ont fait leur communion, ils allaient à la messe ensemble. Seulement, Antoine est le petit dernier de la famille, et il n'y avait plus de parrain ni de marraine disponible. Alors ses parents ne l'ont pas fait baptiser. »
 Comme quoi, quand on y met un peu du sien, on finit toujours par trouver une solution.

lundi 1 août 2011

Bienvenue

  Ce week-end, nous avions un ami à la maison. J'aime beaucoup avoir des invités, composer mes menus, rendre la maison accueillante, passer de bons moments avec des hôtes que l'on retrouve parfois après une longue période, rompre avec le déroulement habituel des semaines et des week-ends, faire entrer chez soi d'autres atmosphères, d'autres habitudes, d'autres conversations, d'autres points de vue.
  Mais, vous serez peut-être d'accord avec moi, recevoir des amis c'est aussi souvent s'exposer à quelques surprises en terme d'organisation. Surtout quand on a, comme moi, quelques enfants, et par conséquent une synchronisation familiale autorisant aussi peu d'improvisation que la trajectoire d'un satellite géostationnaire.
  Évidemment, ça n'a pas manqué ce week-end : notre invité, à qui nous avions proposé d'arriver le samedi soit pour déjeuner, soit dans l'après-midi, ne nous a prévenu que la veille qu'il nous rejoindrait vers quinze heures.   Malheureusement je venais de ranger mes spatules et mes casseroles après avoir préparé tout un repas pour rien (rassurez-vous, il n'a pas été perdu pour autant).
  Des anecdotes comme celle-ci, vous en avez sûrement beaucoup, comme moi.
Vous avez les amis qui ne vivent pas dans le même fuseau horaire que vous. Par exemple, sensés arriver en début de soirée, ils débarquent à 17 heures sans prévenir. Vous avez tout juste le temps de sortir de la baignoire où vous venez de poser le pied. Tant pis, vous prendrez une douche le lendemain matin.
  Certains, invités pour déjeuner, vous informent qu'ils seront chez vous à 10 heures (il y pourtant des trains toutes les heures). Vous vous demandez bien comment vous allez les occuper pendant le déjeuner des enfants, surtout que vous n'avez pas revu votre amie depuis dix ans et que son mari est un parfait inconnu.
  Vous avez aussi le groupe d'anciens camarades d'école qui s'invitent à 19 heures pour l'apéritif, alors qu'ils viennent de marcher pendant des heures au festival renommé de la ville. Ils sont tellement épuisés, et les restaurants tellement bondés, qu'ils s'incrustent jusqu'à 22 heures. Heureusement, vous aviez un bon stock de biscuits apéritif.
  D'autres, attendus à 15 heures, sonnent à 17 heures. Dommage, si vous aviez su vous auriez pu promener le bébé. Et restent jusqu'à 20 heures alors que vous découvrez, morte d'inquiétude, que votre enfant a 40 de fièvre pour la première fois de sa vie, et qu'ils ne sont pas médecins par dessus le marché. Forcément, ils attendent que les amis avec qui ils vont passer la soirée, et qui sont en retard, viennent les chercher chez vous. Avec un peu de chance, ils seront encore là pour accueillir SOS médecins.
  Et puis il y a celui qui s'annonce chez vous pour y faire une étape au cours d'une virée cycliste de plusieurs jours. Il débarque en sueur, vous oblige à déménager le couloir d'entrée pour y entreposer le vélo, et file prendre une douche, ce qui vous donne le temps de nettoyer les traces de boue dans l'ascenseur.
  « Ami, tu viens toujours trop tard, et tu pars toujours trop tôt... » Malgré toute l'affection que j'avais pour ma grand-tante, il me faut bien reconnaître que cette jolie phrase, gravée en lettres dorées sur une plaque de bois près de sa porte d'entrée n'est – hélas – pas toujours vraie.