Attention : ce billet est un pastiche du blog de Ginger (toutes les explications ici)
Vous vous souvenez de vos dissertations de philosophie...
... vous savez, quand vous étiez en terminale, ces copies doubles interminables à noircir, avec une introduction, deux ou trois parties (enfin plutôt deux en ce qui me concerne), une conclusion, pour discuter de questions obscures que des personnes normales ne se posent jamais dans la vie, comme par exemple : « Nature ou culture ? » ou bien « Liberté, égalité ou fraternité ? » ?
Eh bien je ne sais pas pourquoi, mais une chose que j'ai retenue, c'est qu'un jour un philosophe a dit « l'homme est un animal social ». Animal, je ne sais pas trop (je ne vois pas trop le rapport entre l'huître et l'homme par exemple), mais social, oui.
Et j'ai remarqué, comme vous peut-être, que l'homme (contrairement à l'huître d'ailleurs, enfin je crois) agit rarement pour rechercher des choses comme le Bien, le Vrai, le Beau (qui plaisent pourtant beaucoup aux philosophes), mais souvent en raison de la pression sociale.
Par exemple, quand j'étais au collège, la pression sociale exigeait que l'on ricane du film « Babe, le cochon devenu berger ». Il se trouve que pour mon malheur j'étais allée voir ce film (en rasant les murs pour ne pas être reconnue). Eh bien la pression sociale a été telle que je me suis bien gardée de signaler ce fait à mes camarades de classe.
Et tout récemment, j'ai eu l'occasion d'assister à un nouvel effet de la pression sociale.
J'ai une amie, Ingrid, qui est plutôt assez casanière. Mais quand je dis casanière, c'est vraiment casanière. Du genre dont la devise est la suivante :
Pourquoi partir en vacances quand on est si bien chez soi ?
Et Ingrid est très bien chez elle.
D'ailleurs elle n'a jamais pris l'avion (mais elle ne l'a jamais dit à personne, ou presque, toujours à cause de cette fameuse pression sociale).
L'été dernier, Ingrid, comme beaucoup de gens, a pris des congés. Et comme beaucoup de gens, elle a quand même réfléchi à ce qu'elle allait faire pendant ses vacances.
Dans un premier temps, un certain nombre de ses amis lui ont fait des propositions.
Ingrid, ça ne lui disait rien du tout, et pourtant cela lui aurait permis de prendre l'avion pour la première fois.
Mais Ingrid, ça ne la tentait pas du tout, d'ailleurs elle ne bronze pas, et elle est allergique au poisson.
Ingrid, là, elle aurait bien voulu, mais malheureusement elle avait pris ses congés en août.
Bref, le 1er août est arrivé et Ingrid n'avait toujours pas de projet de vacances. Alors elle a fait la seule chose qui lui restait à faire : passer ses trois semaines de congé chez ses parents, dans la banlieue de Strasbourg.
Elle a passé de très bonnes vacances (je vous avais dit qu'elle était casanière). Elle a fait les magasins à Strasbourg, elle a bien dû voir deux ou trois amis qu'elle a encore là-bas, elle est même allée une fois faire la route des vins avec ses parents et boire un verre de vin blanc à Kaysersberg.
Mais là où la pression sociale s'est fait ressentir, c'est quand elle est rentrée chez elle à la fin de ses congés. Et justement, elle est venue à la maison avec un ou deux autres amis communs. C'était en septembre, et la conversation a rapidement tourné sur les vacances. Une de nos amies communes a demandé à Ingrid ce qu'elle avait fait pendant ses congés.
Je suis allée passer quelques jours en Gironde, chez mes cousins.
Je l'ai regardée sans y croire. Mais c'est bien ce qu'Ingrid a prétendu (d'un ton rapide du genre : maintenant si on pouvait changer de sujet de conversation ça m'arrangerait).
J'ai compris que la pression sociale avait eu raison de la sincérité d'Ingrid.
C'est vrai que la plupart des gens, à tort ou à raison, considèrent que l'on ne passe pas de (bonnes) vacances dans la banlieue de Strasbourg.
Quoi qu'il en soit, au sujet de dissertation « la pression sociale doit-elle l'emporter sur la vérité ? », Ingrid aurait répondu « Oui » (sans même avoir besoin d'introduction, de conclusion, ni de deux ou a fortiori trois parties).
Et c'est bien dommage, car sans cette fameuse pression sociale, le tourisme se porterait peut-être beaucoup mieux dans la banlieue de Strasbourg.
C'est bizarre, je n'ai pas reçu de carte postale d'Ingrid cette année.