Je crois bien que c'est la lecture des confessions de la blogueuse Sous les galets, et en particulier la troisième d'entre elles, qui m'a fait repenser à ces heures un peu trop nombreuses passées à apprendre à conduire. C'était il y a dix ans.
Ce qu'il y a de bien, c'est que ces douloureuses leçons, de nuit, dans les embouteillages parisiens, au volant d'une 207 blanche, ne m'ont pas appris qu'à conduire. Grâce à elles, il y a deux choses que j'ai découvertes :
- les qualités du conducteur parisien qui est patient, aimable et compréhensif, jamais pressé et dont le langage châtié est des plus fleuri.
- l'art de la pédagogie.Pour le premier point, je vous laisse faire deux ou trois tours de périphérique pour vérifier mon point de vue si vous ne le partagez pas déjà.
Concentrons-nous sur le deuxième point.
C'est un hommage vibrant et ému que je m'apprête à rendre à mon inoubliable moniteur d'auto-école. Certes, il m'a appris à allumer mon clignotant et à passer la marche arrière ; à me ranger en bataille et à m'insérer sur l'autoroute.
Mais, sur la longue route de la vie, tout cet apprentissage est peu de chose comparé au savoir suprême qu'il m'a transmis, par son seul exemple, en matière de pédagogie.
Nous avons tous un jour ou l'autre à faire preuve de pédagogie – vis-à-vis de nos enfants si nous en avons, de l'employée du guichet de la Sécurité Sociale ou de nos animaux de compagnie par exemple –, aussi j'ai pensé qu'un petit résumé, hélas non exhaustif tant la sagesse pédagogique de mon maître était complète, vous intéresserait.
Le bon pédagogue ne perd pas son temps en apprentissages idiots
Ce devait être ma troisième leçon de conduite (la première ayant été consacrée à remplir un questionnaire destiné à évaluer le nombre de leçons nécessaires pour obtenir mon permis, la seconde à apprendre à boucler ma ceinture et régler mon rétroviseur – et on se demande encore pourquoi passer son permis coûte si cher).
Mon moniteur m'emmène dans une rue déserte. Un poids-lourd est garé le long du trottoir, environ deux cents mètres plus loin.
« Tu vois le poids-lourd, Albane ? Alors ce que je te demande, c'est de démarrer en direction du camion, d'appuyer à fond sur l'accélérateur, et tu attends que je te le dise pour piler. Pas avant. D'accord ? »
J'ai foncé, j'ai pilé, et je me demande encore maintenant à quoi cela a servi.
Le bon pédagogue est progressif
Plusieurs dizaines de leçons plus tard, mon moniteur me trouve le niveau suffisant pour aborder le point culminant de la formation : le démarrage en côte.
« Tu vois cette toute petite rue en pente très très raide, à peine plus large que la voiture, qui tourne à peine deux mètres plus loin à angle droit dans une toute petite rue à peine plus large que la voiture ? Eh bien c'es ici que tu vas apprendre à faire un démarrage en côte. D'accord ? ».Dix heures d'échecs et d'insuccès (toujours aussi rentables pour son auto-école). Toujours apprendre le plus difficile avant le plus facile, cela va de soi.
Le bon pédagogue est un fin psychologue
J'aurais certes dû manifester une rébellion plus conséquente à ses méthodes d'enseignements, dans les faits je me contentais d'arborer un visage de plus en plus fermé et hostile à chaque leçon.
« Ça va, Albane, j'ai l'impression que tu n'es pas en forme, tu as des problèmes en ce moment ? »
C'était déjà bien de sa part de s'être rendu compte de l'existence d'un léger malaise.
Le bon pédagogue est plein de tact
Quelques cours plus tard, mon moniteur se décide, sans me prévenir, à me faire rouler pour la première fois sur l'autoroute, et me demande de prendre la direction d’Évry.
« Ah ah ah, Albane ! J'ai vu, tu as pâli d'un coup en voyant Évry indiqué sur un panneau bleu ! Je t'ai vue ! Ah ah ah ! Tu es toute blanche !»
Je ne me souviens pas avoir trouvé cela très drôle.
Le bon pédagogue est encourageant
Deux ou trois cours avant la date prévue pour le passage de mon permis, mon excellent moniteur dresse le bilan de la leçon qui se termine :
« C'est bien, Albane, on voit que tu progresses, avant tu faisais tellement d'erreurs que je n'arrivais pas à les compter, aujourd'hui tu n'en a fait que six. »
Sur le coup je n'ai pas très bien compris s'il s'agissait vraiment d'un compliment.
L'école de la vie...
Et vous, quels souvenirs d'auto-école ?