dimanche 27 octobre 2013

A quelque chose malheur est bon

Si vous avez très bonne mémoire, vous vous souvenez peut-être de Tante Claudine, une parente du côté de mon mari, résidant à Clermont-Ferrand, et de son goût prononcé pour les maladies, les décès et les enterrements.

Cela fait un long moment que je ne vous ai pas parlé de Tante Claudine, et pour cause puisque nous en avons eu assez peu de nouvelles ces derniers mois. La seule nouvelle que nous avions apprise concernait la marraine de Tante Claudine, en l'occurrence une grande-cousine éloignée, prénommée Juliette, et qui, au mois de janvier dernier, a quitté l'Alsace où elle vivait depuis cinquante ans pour s'installer à Montluçon dans le but de se rapprocher de ses enfants. Juliette, que mon mari connaît bien depuis qu'il est tout petit, et que nous avons régulièrement au téléphone, est d'une grande gentillesse, et malgré ses revenus modestes, elle a toujours gâté très généreusement nos enfants. 

En dépit de la proximité géographique et les invitations répétées de sa marraine, un peu déboussolée suite à son déménagement, Tante Claudine et Oncle Maurice n'ont pas encore trouvé le temps de parcourir les cent kilomètres à peine qui les séparent de Juliette. « Nous avons été très occupés depuis dix mois... surtout avec les dix jours que nous avons passés à Paris en avril pour nous occuper de notre petit-fils ». Tante Claudine a une explication pour tout.

Il y a quelques jours, Tante Claudine a téléphoné. Poliment, elle a demandé à mon mari de nos nouvelles et des nouvelles de la rentrée des enfants avant de l'interrompre un peu brusquement. « Tu me raconteras une autre fois, a-t-elle expliqué, pleine de tact, j'ai beaucoup à t'apprendre ».

Trois quarts d'heure plus tard, mon mari, en effet, avait déjà appris force détails au sujet de deux tristes nouvelles : l'hospitalisation de la sœur d'Oncle Maurice pour dépression nerveuse et le décès soudain du parrain de la sœur de Tante Claudine.

« Et Juliette, comment va-t-elle ? » lui demande mon mari pour réorienter la conversation.

« Oh, mais justement, je voulais te raconter : nous l'avons vue dimanche à Montluçon ! »

Enfin, Juliette a eu la visite qu'elle attendait depuis des mois. Mon mari, curieux de savoir ce qui a poussé Tante Claudine et son mari à faire l'effort de se déplacer chez leur parente, n'a pas le temps de répondre que Tante Claudine continue, accélérant son débit de parole, comme si elle craignait de n'avoir pas le temps de tout dire :

« Tu te souviens que Marc, le fils de Juliette, était à l'hôpital de Montluçon suite au grave accident de la route où il a failli perdre la vie ? »

Mon mari n'avait pas oublié, nous avions appris la nouvelle quelques jours auparavant par Juliette elle-même.

« Eh bien c'est très dur, tu sais. Il a dû être amputé du bras droit. Alors bien-sûr, nous sommes allés le voir à l'hôpital. »

Tout s'explique. Une amputation, voilà ce qui ne peut laisser indifférente la très sensible Tante Claudine.

« Et puis Juliette a tellement insisté que nous avons déjeuné chez elle. »

Avant de raccrocher, mon mari a appris par le menu tout le programme de rééducation que subira Marc au cours des prochains mois, mais nous ne savons pas trop comment Juliette réagit à ces derniers événements dramatiques.

Quant à Tante Claudine, rassurez-vous, son moral reste bon, d'autant que la Toussaint n'a jamais été si proche !



Et si vous tenez vraiment à une image d'amputation, faites la recherche vous-mêmes...
 
 
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jeudi 24 octobre 2013

10 ans après

Nous étions une douzaine, c'était l'année de nos vingt ans, (vingt et un pour les plus âgés), nous faisions partie d'une même association étudiante. Nous nous sommes dispersés, plus ou moins perdus de vue, et dix ans ont passé.

Il y a quelques semaines j'ai reçu un mail me conviant aux retrouvailles des anciens de l'association à l'occasion de son dixième anniversaire.

Je n'ai pas été en mesure de m'y rendre, mais j'ai reçu récemment dans un mail les photos de la rencontre, et j'ai lancé le diaporama, curieuse de revoir les visages de ces personnalités dont j'avais été très proche l'espace de quelques mois.

Parmi les participants à la réunion, il y avait Paul. Je ne l'ai même pas reconnu. J'en gardais le souvenir d'un post-adolescent maigrichon et réservé, les cheveux longs noués en queue de cheval, vêtu d'un T-shirt informe. Sur les photos, j'ai découvert avec plaisir un trentenaire souriant, à la stature normale, aux cheveux courts et à l'air épanoui.

Et puis il y avait Fabrice et Véronique, son épouse – que je connais depuis dix ans aussi puisqu'elle faisait partie du même groupe d'amis –, accompagnés de leurs deux petites filles. Véronique posait, souriante, le regard décidé derrière ses petites lunettes carrées, visiblement très satisfaite de sa situation personnelle. Un peu en retrait, Fabrice au contraire m'a eu l'air d'avoir pris, non pas dix, mais vingt ans : le visage émacié, l'air renfermé, presque triste, sans aucun trait du caractère un peu enjoué que je lui connaissais, le tout renforcé par le grisonnement prononcé de ses cheveux, comme si l'épanouissement de l'une s'était manifesté au détriment de l'autre...

Il y avait aussi Mathieu, le crâne un peu dégarni, mais plein d'assurance, arborant un sourire satisfait et des lunettes de soleil – malgré le temps gris – , les mains dans les poches, présent physiquement, mais paraissant ailleurs, comme absorbé dans une contemplation infinie... de lui-même ?

J'ai bien reconnu Thomas, qui a peu changé, mais il faut dire que Thomas a toujours fait un peu vieux, d'ailleurs à l'époque ne l'appelions-nous pas déjà « Papi » ?

Il y avait aussi Nicolas et Séverine, l'éternel jeune couple rentrant à peine de deux années passées dans l'humanitaire à l'étranger, mais, dans leur cas, j'ai été surprise de prime abord non par leur évolution mais plutôt par le fait qu'ils n'avaient pas changé du tout. A y regarder de plus près, Séverine, elle, accuse la décennie passée, son visage s'est un peu élargi, un peu alourdi. Mais Nicolas, lui, semble sorti directement de mes vieilles photos d'étudiante, avec son polo gris et un pull qu'il aurait tout à fait pu porter alors, sa façon de ne pas se tenir très droit et son sourire un peu indéterminé... Il pourrait se confondre avec les étudiants de dix ans nos cadets sans que personne ne se rende compte qu'il les a largement dépassés en âge.

Et puis il y avait Antoine, bien reconnaissable malgré son bouc et ses dix kilos de plus ; Céline, qui m'a parue fatiguée, accompagné de Victor, dont le visage s'est arrondi, avec leurs deux enfants qui s'amusaient en compagnie de ceux de Fabrice et Véronique, représentant à eux quatre la jeune génération dont nous faisions encore partie il y a dix ans.

Fin du diaporama.

Je n'avais pas bien réalisé. A trente ans, on se sent toujours aussi jeune et en possession de ses moyens. Les changements physiques, plus ou moins marqués, sont rendus imperceptibles par la fréquentation quotidienne de notre miroir, et une décennie s'ajoute, si vite passée, sans paraître laisser de trace.

Et pourtant... à découvrir cette série de photos, j'ai réalisé combien, oui, dix ans avaient passé. Mais ce qui m'a le plus frappée, au delà de l'embonpoint des uns ou des cheveux grisonnants des autres, c'est combien les expressions, les regards, les sourires ont pu se transformer, témoignant de l'évolution intérieure que nous avons traversée au cours de ces dix dernières années.

La prochaine décennie nous fera vieillir physiquement... mais la précédente a fait, pour le meilleur ou pour le pire, des jeunes gens que nous étions, les adultes que nous serons probablement désormais tout le reste de notre vie.



Rendez-vous dans dix ans ?
 


 
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dimanche 20 octobre 2013

Un dîner de blogueurs

Samedi dernier, j'ai eu la chance et le plaisir de participer à une rencontre de blogueurs, et pas n'importe quels blogueurs, puisqu'il s'agissait de Ginger, qui nous a généreusement ouvert les portes de son appartement, du Petit Bonheur, de Stiop, de Gustave et de la Belette. Il y avait aussi, preuve de la grande ouverture d'esprit des blogueurs, quelques non-blogueurs (et, n'en doutons pas, futurs blogueurs – je vais y revenir) liés par les liens du mariage (ou d'un futur mariage) à certains parmi les blogueurs présents, ainsi qu'une commentatrice fidèle répondant au doux nom de « Jeanne qui connait Stiop, la Belette et Ginger ».

La soirée était très attendue, avec l'impatience croissante de connaître le prénom qui se cache sous le pseudonyme, le visage dont on ne connait que la queue de cheval ; elle a été très réussie, imprégnée du sentiment, déjà ressenti auparavant, de rencontrer non des inconnus mais des amis de longue date...

La conversation a volé très haut – cela n'a rien d'étonnant, Ginger logeant au cinquième étage – et, moins surprenant encore, elle a tourné longuement sur les blogs, alimentée par les réflexions de chacun (et par les victuailles de tous). En voici, dans le désordre, un petit échantillon :

Les blogueurs et leurs conjoints

Nous avons trouvé parmi les blogueurs présents une grande disparité de situation, entre le blogueur au conjoint bienveillant mais peu régulier, le blogueur au conjoint relecteur-conseiller-critique assidu, le blogueur cultivant son jardin secret, et enfin le blogueur au conjoint absent (blogueur célibataire, conjoint analphabète, les raisons ne manquent pas).

Une constante tout de même, déjà évoquée ici : parmi tous ces profils différents, le conjoint du blogueur ne laisse jamais, jamais de commentaire (ou extrêmement rarement).

Les blogueurs et leurs enfants

Bizarrement, les blogueurs ne souhaitent pas tellement voir leur blog lu par leurs propres enfants, soit qu'ils n'en aient pas, soit qu'ils craignent que leurs enfants n'y apprennent que la petite souris n'existe pas, soit qu'ils redoutent que leurs rejetons ne révèlent l'existence du blog maternel ou paternel à leurs camarades de classe (par exemple, au fils de Xavier).

Les blogueurs et les futurs blogueurs

Pour un blogueur, l'humanité semblerait se partager en deux catégories : les blogueurs et les futurs blogueurs. Nous nous sommes lamentés à plusieurs reprises à l'écoute d'anecdotes croustillantes qui auraient fait des billets fabuleux que leurs auteurs, par négligence ou fausse modestie, se refusent à livrer à leurs contemporains. Je pense notamment aux anecdotes de Jeanne (et de sa sœur jumelle), aux amis bizarres de Gustave et de sa fiancée, et à la chef de Gustave qui mériterait à elle seule un blog tout entier (bon courage, Gustave!). Je ne peux que réitérer l'appel pressant qui leur a été lancé au cours de la soirée : jetez-vous à l'eau, ouvrez un blog (ou un deuxième blog) !

Les blogueurs et la culpabilité

Les blogueurs sont unanimes : bloguer doit rester un plaisir, une détente, et certainement pas une contrainte supplémentaire dans leurs vies bien remplies. Pourtant, beaucoup reconnaissent concevoir malgré eux des remords lorsque le temps ou l'inspiration leur faisant défaut, ils délaissent leur blog quelques jours, voire quelques semaines...

Les blogueurs et le malheur

Le blogueur possède un net avantage sur les non-blogueurs, à savoir que quelle que soit l'étendue de sa détresse (trajet mal accompagné, anniversaire d'enfants, artiste en butte aux critiquesdifférend ménager...), il a un sujet de satisfaction intense dans la perspective du billet qu'il pourra bientôt en tirer.

 

Rassurez-vous, nous autres blogueurs sommes aussi gens ouverts – je me répète – et nous avons abordé bien d'autres sujets, comme la sociologie des lignes de métro parisien, le montage de meubles ikea, le réchauffement climatique, la différence entre raid pâtissier et tournée pâtissière (la nuance est de taille), et la violence éducative (cherchez l'intrus).

Ce fut donc une excellente soirée, de celles qui font attendre impatiemment la prochaine, et qui, de plus, me donne l'occasion de renouer avec ce blog un peu délaissé ces deux dernières semaines (ce qui, vous l'aurez compris maintenant, commençait sérieusement à me ronger de remords).

Un immense regret toutefois, avec une pensée émue pour ce grand absent que, pour beaucoup d'entre vous, vous connaissez par blog interposé et qui nous a tant manqué samedi : le ficus de Ginger qui suit actuellement une petite cure de remise en forme chez la maman de Ginger.

 

 

plante grasse

En guise de consolation :
la plante grasse de Ginger

 

 

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dimanche 6 octobre 2013

Talon d'Achille

Il y a toujours plusieurs raisons de regretter d'avoir accepté un peu vite une invitation à dîner :

  • dans certains cas, vous pouvez craindre, à juste titre, de vous ennuyer mortellement (ne comptez pas sur moi pour passer une nouvelle soirée avec les Désert), ou, pire, de n'avoir rien à vous mettre sous la dent.

  • souvent, au moment-même où vous confirmez définitivement votre venue, votre mémoire vous rappelle soudain combien vous allez souffrir le lendemain matin, en vous levant aux aurores en même temps que vos enfants après de trop courtes heures de sommeil, la tête lourde, la langue pâteuse, le teint cireux, avec la désagréable impression, éventuellement, d'avoir un peu abusé de la tireuse à bière.
  • au moment de vous préparer, quand vous serez en proie à de douloureuses hésitations sur le style vestimentaire à adopter (chic ? décontracté ? chic décontracté ?), vous vous rendrez compte que vous n'avez rien à vous mettre, à moins de porter la même tenue que la fois précédente, ce qui constitue, bien-sûr, un impair à ne jamais commettre.

Samedi soir, nous étions reçus pour la soirée, et, quoique ne craignant pas trop de m'ennuyer (puisque Xavier et son épouse faisaient aussi partie de la liste des invités), et tâchant de ne pas penser au réveil douloureux du lendemain matin, je me trouvais fort embarrassée face à mon armoire devant laquelle je tentais difficilement de trouver la tenue adaptée à l'événement.

Dans cette incertitude pénible, une chose me réconfortait heureusement : j'avais déjà choisi mes chaussures – une paire toute neuve d'escarpins à talons hauts un peu pointus.

J'ai fini par enfiler une robe et, l'heure avançant, nous sommes partis, avons déposé les enfants chez leurs grands-parents chez qui j'ai fait attention à me déchausser, me souvenant de la controverse familiale sur le risque de poinçonnement du parquet par des talons trop fins, et nous sommes arrivés, à peine un peu en retard, chez Marie-Anne et Stéphane, nos hôtes.

La soirée a très bien commencé. Xavier, en plein ré-emménagement dans sa maison incendiée à nouveau habitable, me dressait, l'air sombre évidemment, la liste des travaux restant à effectuer, tandis que je sirotais un verre de Pouilly en observant distraitement les trente ou quarante autres invités présents, debout comme nous un verre à la main.

Jusqu'à ce que j'avise Marie-Anne, plantée à deux ou trois mètres de moi, regardant fixement en direction de mes jambes. Aurais-je eu la prétention de croire qu'elle en admirait la plastique, son air soucieux m'aurait aussitôt détrompée. Marie-Anne ne détournait pas le regard de mes pieds.

Xavier, qui ne s'est pas rendu compte de mon trouble, continuait à évoquer alors la pose d'un nouveau placard au premier étage. Je fixais désespérément le fond de mon verre, car j'avais déjà compris : Marie-Anne craignait que mes talons pointus ne causent des dégâts irréparables à son parquet ancien.

Je la vis d'ailleurs se rapprocher de mon mari, qui bavardait un peu plus loin, et lui adresser quelques mots, pointant un doigt accusateur dans ma direction.

J'étais déjà devenue plus rouge que le Côte du Rhône de Xavier. Marie-Anne était en train de demander à mon mari si je pouvais me déchausser, m'obligeant à passer le reste de la soirée pieds nus, ou peut-être dans de vieilles pantoufles (trouées, sans doute) qu'elle m'aurait passées pour l'occasion. Jamais je n'avais vécu un tel cauchemar ni une telle humiliation (si ce n'est le jour où j'avais perdu une sandale en plastique dans la vase d'un lac de montagne et où j'avais dû rentrer à pied avec une seule chaussure).

Marie-Anne et mon mari s'approchent de nous. Mes doigts se crispent sur le pied du verre pour dissimuler le tremblement dont ils sont pris soudainement.

- J'aurais un service à te demander...

Je dois rêver, c'est à Xavier que Marie-Anne semble s'adresser.

- Peux-tu nous aider à déplacer la table basse ?

Je me retourne et avise juste derrière mes talons le lourd meuble bas qui encombre le salon et que Xavier, avec l'aide de mon mari, guidé par Marie-Anne, entreprend aussitôt de transporter dans le garage.

Restée seule avec mon verre de vin, je fixe machinalement mes pieds, puis, relevant fièrement la tête, j'avise un groupe d'invités à l'autre bout du salon. Je les rejoins d'un pas ferme et assuré, mais un peu sur la pointe des pieds tout de même...

On ne sait jamais.

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