samedi 18 janvier 2014

Histoire d'une conversion (un peu forcée)

Un jour, j'ai rencontré mon futur mari, et un autre jour je l'ai épousé. Mais ni l'un ni l'autre de ces deux jours, ni aucun de ceux qui se sont passés entre eux, je n'ai pensé que mon mariage révolutionnerait ma vie autant qu'il l'a fait.
 
Bien-sûr, je m'attendais à certains changements. J'ai désormais quatre enfants que je ne connaissais pas le moins du monde auparavant, un écran de télévision d'une taille démesurée, une collection de chaussures pointure 45 dans mes armoires, de chemises bleues dans la penderie et de chaussettes noires dans un tiroir, des comics de Spiderman dans mes étagères, l'intégrale Star Wars dans ma DVDthèque, une gravure représentant un vieux pont levant de Brest pendue à un mur et une autre, un trois mâts quelconque, encadrée d'une baguette dorée passablement défraîchie.
 
Rien de tout cela, à vrai dire, n'a été tout à fait inattendu. Je me doutais bien en me mariant qu'il me faudrait partager des armoires, des étagères et des penderies, et qu'au milieu de tous ces meubles naîtraient quelques enfants qui auraient les yeux de leur père et le sourire de leur mère – ou le contraire.
 
Le changement dont je parle a été bien plus insidieux, bien plus profond que tout cela. Au début j'y voyais une simple habitude superficielle, susceptible, comme beaucoup d'habitudes, d'être modifiée au gré des circonstances. Jamais je n'avais ressenti l'attachement fondamental et viscéral que celle-ci représente en réalité. Plus qu'une habitude, ce sont avant tout des convictions familiales, transmises de père en fils et de mère en fille, le reflet de traditions régionales millénaires, de coutumes absorbées dès le sein maternel depuis des générations. C'est un art de vivre, mais avant tout une pratique essentielle et quasi superstitieuse, de celles qui créent un gouffre immense entre ceux qui s'y adonnent et ceux qui n'y adhèrent pas.
 
J'ai vite compris que je ne pouvais m'opposer à de tels préceptes, le jour où j'ai mis mon mari dans l'impossibilité de pratiquer le rituel du matin. Autant vous dire que je n'ai jamais recommencé.
 
Pourtant, pendant longtemps, nos deux pratiques ont cohabité côte à côte : chacun a poursuivi dans ses habitudes, dans un esprit d'ailleurs on ne peut plus pacifique et tolérant. Mais quelque chose manquait peut-être encore à l'harmonie du ménage...
 
Car petit à petit, je m'y suis mise. J'ai commencé doucement mon initiation. Je me suis laissée toucher par la saveur de cet usage, plus encore lorsque les enfants l'un après l'autre, ont embrassé la religion de leur père. A quoi bon continuer seule dans cette voie qui, de plus en plus, me paraissait fade et insipide ?
 
Alors j'ai fait le grand saut et j'ai sacrifié mon ancienne vie sur l'autel de mes nouvelles croyances. Tout, depuis, a changé définitivement... du contenu de mon réfrigérateur à ma manière de faire de la pâtisserie.
 
A vrai dire, j'aurais peut-être pu me douter il y a quelques années déjà qu'en épousant un breton j'allais forcément, un jour ou l'autre, abjurer mon ancienne affection pour le beurre doux et adopter à tout jamais le beurre demi-sel comme seul et unique représentant de son espèce, allant jusqu'à confesser une vénération sans limite au caramel au beurre salé.
 
Il y a quand-même des conversions plus faciles que d'autres...
 
En revanche, rassurez-vous, ce n'est pas parce que j'ai confectionné hier ma galette des rois avec du beurre demi-sel que j'accepterai un jour de sortir l'immense drapeau breton du placard où il est rangé depuis que mon mari a quitté sa chambre d'étudiant...
 
Il n'y a pas que les bretons qui savent être têtus.
 
 
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14 commentaires:

  1. Te voilà un peu bretonne du coup, Albane... A quand le poulguidou ?

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  2. Quel sens du suspense... haletant jusqu'à la révélation finale De mon côté, je ne suis pas convertie, nos 2 beurres cohabitent dans le frigo, et mes filles m'ont rejoint du côté de la force douce : beurre non salé power !

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  3. Quel talent, mais quel talent ( je l'ai déjà dit ?? AH, c'est que je suis vraiment fan). Tous ces mots pour du beurre ... C'est un régal , au beurre salé. Moi j'ai converti le Pingouin aux légumes et aux serviettes de toilette qui ne sentent pas le tabac. C'est 'achement moins poétique.

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  4. Quelle épouse modèle Albane, qui épouse jusqu'à la religion gastronomique de son mari. Et lui qu'a-t-il épousé en te rencontrant ?

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  5. Quoi ! le Gwenn ha Du au fond d'un tiroir ? Une petite sortie de temps en temps pour l'aérer, tout de même, non?

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  6. Quel suspens tout le long de ton article! Sacrifier la religion du beurre doux, c'est vraiment une preuve d'amour ça! ;)

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  7. Toute cette conversion, ça compte pour du beurre ?

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  8. Je me suis demandé où vous vouliez en venir jusqu'à ce que je lise le mot réfrigérateur... Je n'ai hélas pas réussi à convertir mon mari au beurre salé, mais le pauvre homme s'est déjà converti à tant de choses...

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  9. JAMAIS, JAMAIS, je ne pourrai me convertir au beurre salé. Qu'on se le dise... Et c'est pourquoi j'ai épousé un alsacien... qui raffole de beurre salé. Zut. Mais je tiens bon pour le petit déjeuner !

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  10. Ma conversion fut de passer du chocolat au lait au chocolat noir.(finalement aujourd'hui, je déteste le premier et je suis devenue exigeante sur le second, on ne me fait pas avaler un chocolat premier prix). Et je mange du fromage de chèvre alors que je ne jurais que par la vache. Comme quoi, on peut changer. Même les tétues.

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  11. Bravo, une très belle leçon de vie pour montrer qu'à la fin, c'est le beurre demi-sel qui triomphe !

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  12. J’ai cru presque jusqu’au bout de ton récit que tu t’étais convertie au bouddhisme (le pouvoir des images). Mais cette conversion-là, semble plus brutale encore. Rhôoo la torture qu’est de manger ces terribles et insidieux Kouign Amann !

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  13. Beurre aux cristaux de sel de Guérande ou rien ! J'espère que ton homme s'est rendu compte du sacrifice que tu as pu faire par amour ^^

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  14. <a href="http://23 janvier 2014 à 16:10

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